Stratégies d’intégration

L’intégration des polynômes, au bout d’un certain temps, ça devient un automatisme : augmenter l’exposant de un, et diviser le tout par le résultat. Mais il y a d’autres cas où l’intégration demande un peu plus de travail. Et surtout, de regarder ces choses avec un œil neuf.

On a compris que l’intégration, c’est trouver la primitive d’une fonction  et y appliquer des limites.

Et si la primitive est presque la réciproque de la dérivée, l’intégrale l’est complétement – tant qu’elle est bien définie. On peut donc prendre l’intégrale comme une de ces opérations qui permettent d’annuler un terme :  (ou la dérivée de n’importe quelle autre variable d’intégration).

Attardons-nous un peu sur ce point.

Supposons une fonction . Jusqu’à maintenant, on a noté sa dérivée , mais ce n’est pas assez clair.

Rappelez-vous que la dérivée était la tangente entre deux points de la fonction. Et la tangente, c’est  divisé par .

Mais un changement dans la verticale et un changement dans la fonction, c’est la même chose ! Rappelez-vous : pour trouver l’antécédent  d’une valeur , on remplace  par  et on résout pour .

On peut donc écrire :

Pour une fonction , sa dérivée est .

Ou plus concisément :

Pour une fonction , sa dérivée est .

Il n’est en effet pas nécessaire d’indiquer la variable de la fonction, puisque de toutes façons, c’est le contexte qui décide de ce qu’est la variable. Tout ce qui importe, c’est de savoir la dérivée par rapport à quoi…

Appliquons cette nouvelle manière d’écrire à un exemple. On en verra l’utilité.

Supposons la fonction . Sa dérivée est, selon cette nouvelle notation :

Maintenant, supposons que nous voulions retrouver la fonction originale. Comme c’est une équation, quoi que ce soit qu’on fasse d’un côté on doit le faire de l’autre. Et ici, c’est l’intégrale qu’on doit faire.

Mais il nous manque les limites.

·      à gauche, la variable d’intégration est : on évaluera donc de 0 à

·      A droite, la variable d’intégration est : on évaluera donc de 0 à

J’ai ajouté un 1 pour clarifier ce qui va se produire maintenant :

·        la primitive d’une constante, c’est la variable multipliée par la constante

·      la primitive de , c’est la variable augmentée d’un degré, le tout divisé par ce nouveau degré

On évalue aux limites et on fait la différence : le résultat est :

On est revenu à la fonction originale. Comme on s’y attendait. On a donc trouvé une technique assez simple pour créer une réciproque à la dérivée – tant qu’il n’y avait pas de constante dans la fonction originale.

Substitution de variables

Si la fonction à intégrer contient elle-même une fonction, on peut (parfois) remplacer cette deuxième fonction par une autre variable. Ce n’est possible que dans un nombre restreint de cas, mais ces cas reviennent tellement souvent que cette technique est indispensable à maîtriser.

Et encore une fois, c’est peut être plus clair en prenant un exemple.

Supposons l’intégrale suivante :

Passons tout de suite le coefficient en dehors de l’intégrale, ça clarifiera les choses.

Substituons la fonction  pour . On a donc :

Prenons la dérivée de :

Résolvons pour :

Nous avons maintenant les substitutions possibles suivantes :

 et

On les applique à l’intégrale – et on va ignorer les limites pour un instant :

 

On connait la primitive de  – c’est  :

Réintégrons le terme en  et les limites – pour rappel,  :

Cette technique a ses limites (ha ha). Si la fonction était , la dérivée de  étant , la substitution contiendrait encore un terme en . Et l’idée de la substitution, c’est de substituer. Entièrement.

Mais comme je le disais, les cas où la technique de substitution s’applique sont pléthores. Résumons-donc la procédure :

·      substituer la fonction pour ; prendre la dérivée de

·      résoudre la dérivée de  pour la variable d’intégration

·        substituer la variable d’intégration et la fonction dans l’intégrale

·        trouver la primitive

·      resubstituer  pour la fonction, et appliquer le théorème fondamental de l’analyse

Séparation de variables

Il peut arriver qu’une expression contienne la fonction et sa dérivée. Et deux variables. Oui, les choses deviennent compliquées, mais reviennent souvent – surtout en sciences physiques.

Essayons de trouver un exemple qui décrit ce problème.

On a donc une fonction  et sa dérivée ; la dérivée .

La technique de séparation des variables consiste à rassembler tout ce qui concerne  d’un côté, et tout ce qui concerne  de l’autre.

Et maintenant, on intègre : sur  pour le côté gauche ; sur  pour le côté droit.

Pourquoi ai-je pris ces limites d’intégration ? Parce que . Plus généralement : il va falloir qu’on reparle des limites d’intégration.

On trouve les primitives :

Comme , il ne reste plus qu’à résoudre pour :

Limites d’intégration

Les limites d’intégration dépendent du problème qu’on est en train de résoudre. En effet, on se rappellera que, graphiquement, l’intégrale entre  et  est la surface sous la courbe représentant la fonction entre  et . Tout dépend donc de ce que vous cherchez.

Dans un premier cas, vous cherchez en effet une surface. Dans ce cas, ce sont les valeurs de  et de  que vous choisissez (ou qu’un exercice vous impose) qui sont vos limites d’intégration.

Par exemple, la surface en dessous de la courbe représentée par la fonction  entre 1 et 2 est égale à :

Dans un second cas, vous cherchez une fonction. Les limites seront donc de zéro à la variable de cette fonction.

Par exemple, on cherche une fonction pour calculer la surface sous la courbe représentée par la fonction précédente () de zéro à n’importe quelle valeur de . On appellera cette fonction .

C’est valable pour beaucoup de fonctions, mais attention : si vous vous retrouvez avec un logarithme, la variable de départ ne peut pas être zéro. Il faut donc changer.

Le plus souvent, les limites d’intégration sont sous-entendues dans le problème. Il est temps pour un exemple.

Et c’est un de mes exemples favoris : l’évolution de la température dans un local peu isolé.

OK, je dois d’abord donner un peu de physique.

La chaleur – l’énergie qui sort ou qui rentre dans la matière – est définie comme suit :

La puissance thermique est la quantité d’énergie par unité de temps qui traverse une surface (comme un mur, par exemple).

Si on s’intéresse à des petits changements d’énergie – et à en faire la somme après pour avoir des grands changements d’énergie – on peut réécrire la première formule :

L’expression est négative parce que de l’énergie est perdue par la matière.

On peut combiner ces deux expressions :

Séparons les variables (température  et temps ) :

Ce qu’on cherche à trouver est une fonction qui nous donnera l’évolution de la température d’un temps  à un temps . Voilà pour les limites à droite de l’équation.

A gauche, la variable est la température. Au départ, il y a une certaine température initiale . A la fin, il y aura une certaine température . Voilà pour les limites à gauche de l’équation.

Et voilà pour la partie réflexive du problème. Le reste n’est que de l’application de procédures mathématiques.

On trouve les primitives :

On utilise l’identité .

Et on résout :

On peut vérifier que cette fonction fasse sens, quand confrontée à la réalité : au début, lorsque , ; lorsque , . Comme prévu.

On a accompli l’objectif : trouver une fonction qui décrit la température en fonction du temps. Elle est imparfaite – impossible de calculer quand la température intérieure sera égale à la température extérieure – mais elle fonctionne pour calculer, par exemple, la température d’un liquide dans un thermos après une heure.

La leçon à retenir ici (en plus de toutes les galipettes mathématiques qu’il faut faire avant d’arriver à la réponse), c’est que le choix des limites est important, et basé sur la problématique à résoudre. Pensez à y attribuer un temps de réflexion.

Problématiques

Déterminer la vitesse et la position d’une balle de fusil en fonction du temps et en prenant en compte la force de traînée.

Modéliser la trajectoire d’un projectile – une description complète de comment trouver une fonction décrivant une trajectoire en prenant en compte la traînée.